samedi 13 septembre 2014

ma derniere navigation,entre panama et colombie





Voila, ça a commencé comme ça, sur un ciel d’apocalypse. J’étais tellement émerveillée, je ne me suis pas méfiée. Il y avait juste ce ciel tragique, posé là, et nous, seuls, enveloppés dans ce drap rouge, et toute cette émotion pure, ma raison d’être, celle qui à elle seule justifie mon choix de vie, cette liqueur de bonheur absolu.

 Puis la nuit est tombée. un petit de vent léger, on a un ris dans la grand voile,  on ne sait jamais. 1 heure du mat, Cap’tain crevette a finit son quart, il part se coucher, je reste donc seule pour la nuit. Et là, c’est le kinopanorama version 3 D, son surround, un orage sec, un truc énorme, puissance 10….un orage ? que dis je ,une suite d’orages comme je n’ai jamais vu, une vrai délégation. Je suis devant un mur de feu, la foudre tombe de tous les côtés, parfois très près du bateau, je passe de la nuit au jour en un quart de seconde, comme si le ciel avait avalé un stroboscope ! et moi je me sens toute petite dans mon cockpit, et puis très seule devant ce phénomène magnifique mais très impressionnant. J’appelle ma crevette de capitaine mais il refuse de se lever. Démerde toi il me répond !!! Humm, c’est bien la peine d’avoir un capitaine à bord !!, seul maître après dieu qu’il m’a dit !!  Mais Dieu Dieu, il est pas dans le coin c’est sûr !!! moi, j’invoquerai bien le diable si j’étais sur qu’il me donne un p’ti coup de main. Mais bon, je m’abstiens, je vois bien qu’il s’acharne le salopard à m’offrir une permanente à moindre frais, et comme on est en acier, je vois le coup que la foudre va me tomber dessus, et que je vais me faire frire le derrière, c’est  peut être même un défrisage instantané qui m’attend, imberbe du popotin je vais me retrouver !!! alors je grimpe mes jambes sur les lattes de bois, j’isole mon auguste postérieur par 3 coussins (trop n’a jamais manqué ), j’invoque l’esprit de ma perle d’amour et de tous les saints du quartier (ça mange pas de pain), et j’attend , en poussant des ohhhhhh, et des ahhhhh et encore des ohhhhh. Ma fin est proche, c’est sûr ! et sa majesté qui daigne même pas se réveiller !! tout d’un coup, la foudre tombe tout près, bon,  c’est pas possible, j’ai du passer a côté de  l’info dans » le canard enchainé », il s’est passé un phénomène météo monstrueux dans le monde, y’a eu une inversion de polarité, l’enfer est monté au ciel !! c’est bien ma veine . Durant la navigation précédente, déjà, on s’était fait courser par une tornade, si !!!!! comme je vous le dit , une tornade, pas une force 5 non, mais quand même, une colonne d’eau qui t’arrive dessus, et très vite….. ben oui, y’en a qu’on pas la baraka .et cette nuit qui n’en finit pas … elle est bien loin ma p’tite liqueur de bonheur absolu ! tavernier,tavernier donnez m’en un tonneau , une barrique, au moins que je meurs saoule !!

Il est maintenant 5 heures du matin, mon supplice est entrain de s’achever. Enfin c’est ce que je crois a ce moment là. 5h ¼ , une petite lueur sur l’horizon, ce que je vois est effrayant. Il faut vous dire que la Colombie est réputée pour ce qu’on appelle des « culs de poulet ».ce sont des orages TRES soudain et TRES violents, qui font monter l’anémomètre à 50 nœuds de vents voir plus. Vous me direz, ben c’est pas grave, tu connais déjà ……oui oui oui, mais sauf que c’est pas du tout le même genre. Durant la nuit je n’ai pas eu de vents violents mais là, ce qu’il se prépare, pour l’avoir déjà subit au mouillage, je sais que je vais prendre fessée, et même fessée déculottée.


Ca ressemble à ça, mais en pire.




Le temps de voir le monstre qui va m’engloutir, de rentrer le génois, je veux ouvrir la grand voile mais le vent arrive subitement, et me couche le bateau, la crevette en tombe de sa couchette . je l’entend pester, bah c’est le moment de te lever crevette, parce que là, noudédiou, ça pulse grave, la mer est défoncée, le bateau est gité à mort, et je ne peux pas ouvrir la grand voile tant la pression est forte, ( heu au fait doudou, t’es sur qu’il va se redresser le pépère ??),et puis la coque, la bôme, le mât, tout ça vibre terriblement, et le bruit, ooooh le bruit …..j’ai l’impression que le bateau va exploser. Je vois voler mes poëles, puis mes assiettes, puis mes chapeaux…… Bon, attend, je branche mon cerveau reptilien, je me met en mode animal, en mode survie, en mode instinctif .Quand c’est l’animal qui réagit, le cerveau est entièrement monopolisé, la seule pensée concerne l’opportunité du geste à faire, là, immédiatement, et sa parfaite exécution. Vite, on se met dans le lit du vent, mais le mât,…. misère,…t’as vu doudou ?.... il se tord comme une saucisse de Strasbourg,…. ce n’est pas possible,…. on va démâter, en radeau on va se retrouver !! …. je sors le coupe câble dans le doute,… les minutes deviennent des heures,… ça n’en finit pas…

Voilà, le vent se calme, on est vivant je ne sais par quel miracle (merci mémé), et je me sens, comment vous dire, fatiguée, mais fatiguée……… il est 7h du mat, l’arrivée est prévue …..de nuit bien sûr, comme d’habitude. 18h, le chenal est enfin en vu. Moi, Je déteste l’arrivée en temps normal, je veux toujours rester en mer, je demande souvent à ma crevette de trainer encore un peu, je lui dit  qu’il n’y a pas le feu, qu’on est bien en mer, mais là, à vrai dire il me tarde de poser la pioche, de m’taper une bière, et de dormir, au moins 24h.

La nuit tombe, on affale les voiles, le moteur tourne et on attaque l’entrée, tranquiloute biloute..On avance gentiment, bercé par le teuf teuf teuf teuf du moteur, puis,… d’un coup,… plus rien . Merde ....doudou… c’est ENCORE bouché, pas d’arrivée gasoil, va falloir, ENCORE , que j’active mon pouce pour la 5eme purge en 3 jours de nav. Bon, procédure, on est rôdé, et vas y que j’te passe la clef de 11, puis la 15 , et enfin la 17,ou la 18 , je n’ sais plus je n’ sais plus, un p’ti coup de pouce magique à la pompe pour le réamorçage, on ouvre aux injecteurs…..je tourne la clef…….et ……RIEN.il ne se passe absolument rien. Le silence absolu. C’est pas possible, on a la chkoumoun !! il fait nuit, on est à la dérive, tout près des cailloux….bref c’est la chianli totale…..Donc, REprocédure…..on soulève les fonds, je colle mon oreille au tank, crevette envoie l’air comprimé une nouvelle fois…. T’entend les bulles ? t’entend les bulles ?......mais moi j’entend rien, rien de rien, pas même une t’ite bullotte…..on est a sec . MAIS C’EST QUAND QU’ELLE SE TERMINE CETTE JOURNEE DE MERDE !!!

C’est plus l’heure pourtant, mais bon, voilà, les choses étant ce qu’elles sont, faut que l’on rebranche le cerveau en mode «  à fond les manettes « .les cailloux sont là, super proches….Qu’est ce qu’on fait ,qu’est ce qu’on fait…. On pense au génois mais pas de bol le vent nous pousse à la cote…Vite, vite, les fonds remontent, on pioche on pioche………ouf…..on y est…on est ENFIN posé !!


Alors là, crevette, celle là, elle était belle !!! hein ?,rentre donc la bière et  sort  la bouteille de rhum que l’on se remette de nos émotions. Allez, un p’ti gorgeon et hop au lit . on se repasse en boucle le film de la journée…………une lancha arrive…..mais qu’est ce qu’ils veulent eux !! on est bien pioché pourtant, pas dans le chenal, juste à côté de la mangrove, j’ai même cru voir une petite plagette au bout de ma torche, mais QU’EST-CE QU’IL Y A …ENCORE !! « no puedes dormir aqui » qu’il me dit le bougre ! comment ça no puedo, no puedo , il sait pas la journée qu’on a passé lui ! «  muy peligroso, muy muy peligroso « . Mais comment ça c’est très très dangereux !! mais crevette, KOI KI DIT LE MONSIEUR.  J’entend piraterie, narcotrafic……ben voila, manquait plus que ça,c’est le pompon, c’est l’apothéose , on a pioché dans le passage des narcotrafiquants !! ……on se regarde avec la crevette, on pouffe de rire , ce sont les nerfs qui lâchent …..de toute façon on est bloqué , on peux rien faire….on est bon pour dormir dans le cockpit, à chacun sa bannette, à chacun son arme, l’un aura le pistolet lance fusée, l’autre le fusil harpon , bandé , comme il se doit, on ne sait jamais ……oh dieu que cette journée est longue,longue……..…je vous laisse imaginer ma nuit .