mardi 9 avril 2013

au large du venezuela



Nous sommes aux Testigos. Moi qui aimais dormir jusqu'à pas d’heure, aujourd’hui je me lève avec le soleil ; j’aime ce moment qui n’appartient qu’a moi, ce moment ou je suis seule avec la mer qui se réveille elle aussi , quand les thermiques se lèvent doucement, j’ ai autour de moi le ballet des frégates , des mouettes et des pélicans qui pêchent, chaque espèce à sa façon de faire ;les frégates royales planent, ailes immobiles, et saisissent à la surface de l’eau , délicatement, du bout du bec , le poisson convoité .Le pélican lui, bien plus lourd, une fois le banc repéré, pique comme un avion supersonic , en repliant ses ailes, et il s’enfonce dans l’eau avec fracas ; il fait pas dans la délicatesse lui !! puis il avale son poisson comme un goinfre, avant que la mouette ne  le lui pique .
Après avoir vécu 1 an et demi sur des petites iles, j’ai aimé Trinidad, j’ai aimé retrouver la ville et son effervescence ; le carnaval a été merveilleux, même le coté industriel de la baie de chaguaramas ne m’a pas déplu. Mais aujourd’hui, quel bonheur de retrouver ces ilots perdus, ces petits paradis sur terre, ou je vis avec les pêcheurs, ou je partage leur vie. Plus de téléphone, plus d’internet, plus de nouvelles du monde d’où je viens, la société et ses tourments, la politique, ce monde qui tourne en rond . Tout ceci me parait si loin, Au hasard de mes connexions wifi, je lis les infos, et j’y vois ….toujours la même chose !! Je me dis : qu’est ce que j’ai loupé ? ……. Et bien rien, juste rien !!! le monde est exactement le même que celui que j’ai quitté. Les pauvres, un peu plus pauvre , les riches un peu plus riche, le chômage qui augmente, la crise qui enfonce la tête sous l’eau du plus vulnérable, les gens qui peinent pour payer les factures, la nourriture……Dans le même temps, les stations de ski font le plein …… hum, quel paradoxe.
Et moi je suis là, au milieu de l’eau, je suis heureuse dans cette vie simple, je ne manque de rien, je récupère l’eau de pluie pour compléter les tanks, je fais mon pain, le solaire et le vent apportent l’énergie, peu de vêtements, quelques paréo me suffisent. Un peu de peinture, quelques boulons et autres bricoles pour l’entretient du bateau, et hasta !!
Bon, j’idéalise un peu, c’est vrai, certains plaisir de la vie, de la ville me manque. Une bonne expo peinture, un concert, une pièce de théâtre,  et puis aussi, le saucisson, le camembert et les fraises Tagada…..oh, je tuerai pour un sandwich beurre, camembert et fraises Tagada !!! je m’amputerai bien d’un pied pour des huitres et du fois gras. Capitaine crevette lui, rêve de  ses tripoux d’auvergne.
Mes amis, ma  famille, ma tribu me manque aussi, mais ils sont là, avec moi , les présents et les absents aussi, je les emportent avec moi ;Mon père, qui rêvait de partir faire un tour du monde en voilier, peut être que de la haut, il vit son rêve à travers moi..Ma grand-mère, ma perle d’amour, je sens la douceur de sa main sur ma tête, sur ma joue quand la mer est forte et que j’ai peur .Alors je leur parle, je leur raconte, les navigations de nuits, mes préférées, avec lune ou sans lune, quand l’ouïe remplace la vue, le ciel comme je ne l’ai jamais vu, le plancton lumineux  qui fait scintiller la mer, comme si les étoiles étaient venues se noyer dedans, le bruit du vent dans les voiles, de l’eau sur la carène , cette magie qui chaque jour se répète. Partir a l'étranger c'est vraiment une façon de se priver de tout ce qui est famille ,amis , langue , lieux familiers , mode de vie ,travail, et tout ce qui représente une routine sécurisante, pour nous obliger à changer (tout du moins de point de vue).

Trinidad , a son dernier jour m’a fait un cadeau merveilleux. Nous sommes a Chacachaccaré, derniers réglages et dernier bain.je suis avec des amis, (ola mon phiphi, zac et juju ). Nous sommes au milieu de la baie ,  tout d’un coup, nous sommes entourés de dauphins, de gros dauphins sauvages qui chassent, une quinzaine peut être ; ils nous voient et jouent avec nous ; je vous laisse imaginer l’émotion que l’on peu ressentir quand un aileron fonce sur vous qui êtes au ras de l’eau, a toute vitesse, et qui plongent  au dernier moment, juste en dessous, juste a 1 mètre. Alors là, on pense au « grand bleu « , mais on n’est pas dans un film n’est ce pas ? c’est plutôt la grande verte, et pas moyen d’attraper l’aileron !!!! mais quelle magie pure que ce moment, j’ai pensé tres fort a ma sœur qui aurait adoré , c’est certain !!!

Aujourd’hui nous quittons nos iles coralliennes ( testigos,blanquia,roques) au coucher du soleil  . Bien sur, pas de musé ici, pas de tableaux de grands maitres, non. Mais , qu’importe, on a la toile, et elle est loin d’etre vide , cette toile de la vie ; Je la nourri chaque fois que l’histoire m’est comptée de la bouche du pêcheur, chaque fois que je vois les plantes et les animaux  se battre pour naitre pousser et survivre dans un milieu inhospitalier. Aux Testigos, nous avons crapahuté pour atteindre le lieu de nidification et de naissance des pétrels, en voyant ce tableau , impossible de ne pas croire en  Dieu, non, tout ceci ne peux vraiment pas être le seul fait du hasard !!
Voila, donc, ce soir nous partons pour cuba, 10 jours de navigation pour traverser la mer des caraibes de part en part. Cette navigation, la plus grande que nous faisons, je l’attend depuis longtemps , 10 jours en mer, juste les éléments  le bateau, et nous. Sur mer, comme en escrime, tout consiste a tenir l’adversaire à distance, en prévoyant ses mouvements, le nuage noir qui se dessine a l’horizon, l’écume presque imperceptible qui se brise sur le rocher à fleur d’eau …..la mer est une réplique parfaite de la vie,  elle cache une vieille canaille, dangereuse et rusée, dont l’apparente camaraderie n’attend que la première distraction pour vous allonger d’un coup de griffe, elle allonge sans pitié les distraits et les stupides , le meilleur des marins peut seulement espérer qu’elle le tolère sur ses ondes, ne pas la déranger, passer inaperçu, car elle n’a pas de sentiments, elle ne pardonne jamais, sinon par hasard ou par caprice, les mots charité et compassion ne font pas parti de son vocabulaire. Alors, ce soir, avec beaucoup d’humilité nous hisserons la voile , avec un peu de tristesse et beaucoup d’envie, pour rejoindre le tableau de la vie.

« La Vie en elle-même est une toile vide. Elle devient ce que vous peignez dessus. Cette liberté est votre splendeur ». Osho